La conférence des Nations Unies sur les Océans qui s’est tenue à Lisbonne dresse un constat alarmant de l’état des fonds marins. Un sursaut de la communauté internationale s’impose pour préserver ces immensités, dont dépend l’avenir de l’humanité.

Surpêche, pollution par les plastiques, acidification, extraction minière… Les océans n’en peuvent plus. Leurs écosystèmes se dégradent – et se réchauffent – à grande vitesse. Le rythme des destructions est tel, désormais, que seul un état d’urgence international pourrait encore permettre d’enrayer ce processus de dégradation massive. Celui auquel a appelé Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies,à Lisbonne, où la deuxième conférence mondiale sur les océans s’est tenue du 27 juin au 1er juillet. Ce grand rendez-vous onusien, auquel ont participé quelque 7.000 responsables politiques, experts et militants, ainsi qu’une quinzaine de chefs d’Etat et de gouvernements, a dressé un bilan alarmant des engagements pris pour éviter un désastre définitif à cet immense espace qui couvre les deux-tiers de la planète. Le compte n’y est vraiment pas s’agissant de l’atteinte des cibles de l’Objectif de Développement Durable 14 (ODD 14), dévolu aux Océans il y a plus de six ans à New York, dans le cadre du Sommet des Nations Unies sur le développement durable.

Qu’on en juge. Avec un volume d’émissions de CO2 qui a progressé de 40 % au cours des 60 dernières années, les océans, qui en absorbent la moitié, seront bientôt au bord de l’asphyxie. Leurs eaux montent sous l’effet du réchauffement lié aux gaz à effet de serre (GES) et elles s’acidifient, provoquant l’extinction de ces pompes à oxygène que sont les récifs coralliens et bien d’autres micro-organismes.

Haro sur les plastiques

La ressource halieutique est soumise à une autre pression : la surpêche. « Au moins un tiers des stocks de poissons sauvages sont trop pêchés », signale Kathryn Mathews, directrice scientifique de l’ONG américaine Oceana. Une course à la ressource halieutique encouragée par les Etats, qui la soutiennent à coups de subventions. Près de 35 milliards de dollars sont déversés chaque année dans cette pratique, à laquelle l’Organisation mondiale du commerce (OMC) commence tout juste à mettre un frein. La pollution des océans par les plastiques, quant à elle, prend des proportions dantesques . Mers, lacs et rivières, qui accumulent déjà 353 millions de tonnes de déchets, devraient en totaliser plus de 1.000 millions d’ici 2060 a récemment averti une étude de l’OCDE . Déjà, les microplastiques provoquent chaque année la mort d’un million d’oiseaux et de plus de 100.000 mammifères marins. On en trouve dans toutes les eaux, jusque dans les organismes de mini-crustacés qui vivent à près de 11 km de fonds. Des profondeurs marines dont les richesses minières attisent bien des convoitises, mais aussi bien des craintes. A commencer par celle de voir ces sanctuaires de la biodiversité marine se faire dévaster par des engins lourds dévolus à l’extraction de roches contenant du cobalt, du manganèse et d’autres métaux rares.

Des rendez-vous internationaux majeurs

Toutes ces questions ont été mises sur la table à Lisbonne, mais sans trouver de réponses, cette conférence des Océans n’ayant pas vocation à être une enceinte de négociation entre les Etats. Celle-ci a surtout permis de faire le dernier état des lieux des accords qui sont en projet. D’abord le nouvel accord mondial sur la protection de la nature qui doit être trouvé à Montréal, à l’issue de la COP15 sur la biodiversité, organisée du 5 au 17 décembre prochain par la Chine. Un texte dont la clé de voûte sera l’engagement des Etats à réserver d’ici 2030 pas moins de 30 % de la surface terrestre et océanique de la planète à des zones protégées. L’idée a fait plus que son chemin dans la capitale lusitanienne. Cent pays ont en effet rejoint la coalition de pays qui porte cet objectif. Une autre échéance, encore plus rapprochée, s’annonce. Celle portant sur l’adoption d’un traité sur la gouvernance de la haute mer qui doit donner lieu à d’ultimes négociations, au mois d’août prochain, à New York . Peter Thomson, l’envoyé spécial pour l’océan des Nations unies, s’est dit « très confiant » dans la capacité de la communauté internationale à boucler un accord « robuste et applicable » dès le mois prochain. Ce devrait donc en être bientôt fini de ce « far-west maritime » où tout est permis, ces zones de haute mer échappant aux juridictions nationales.

L’horizon se précise également, bien qu’un peu plus lointain, pour ce qui est du futur « instrument juridiquement contraignant », qu’une partie de la communauté internationale, sous l’égide les Nations Unies , veut forger pour lutter contre la pollution plastique en mer. Cent soixante-quinze Etats se sont entendus pour élaborer un texte qui devrait déboucher sur un accord international pour 2024.

L’idée d’un moratoire sur l’extraction

A Lisbonne, la pression a surtout monté sur la question de l’extraction des fonds marins. Une trentaine de pays ont lancé un appel en faveur d’un moratoire sur cette activité. En tête desquels l’archipel des Palaos, dans l’océan pacifique, dont le président Surangel Whipps, a estimé qu’elle compromettait l’intégrité de l’habitat océanique. Un dernier débat à l’écart duquel la France, qui détient le deuxième territoire maritime le plus vaste au monde, ne pouvait pas rester. « Nous devons créer un cadre juridique pour mettre fin à l’exploitation minière en eaux profondes et empêcher que de nouvelles activités ne mettent en danger ces écosystèmes », a estimé Emmanuel Macron, à Lisbonne. Mais « il est également nécessaire que nous donnions les moyens à nos scientifiques de mieux connaître les fonds marins. Nous devons mieux les comprendre pour mieux les protéger », a précisé le chef de l’Etat. La France, qui a posé sa candidature pour organiser, avec le Costa Rica, la prochaine conférence onusienne sur les océans en 2025, n’entend pas compromettre l’avenir. Il est vrai qu’elle dispose d’un contrat d’exploration dans la région de Clarion-Clipperton, dans le Pacifique Nord, avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER).

Source: https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/les-oceans-places-en-etat-durgence-internationale-1772063

Photographie: ©Magda Ehlers