La circulation océanique profonde se ralentit avec le réchauffement climatique. Une étude publiée dans la revue Nature Climate Change assure que l’une de ses composantes, la circulation méridienne de retournement australe, pourrait s’interrompre d’ici à 2300 et provoquer un désastre sur la planète.

Mue par les différences de température et de salinité entre les masses d’eau, la circulation thermohaline – ou circulation océanique profonde – se décompose en plusieurs méga-courants marins. L’une de ses principales composantes a régulièrement fait parler d’elle : il s’agit de la « circulation méridienne de retournement atlantique » (acronyme anglais AMOC).

Une précédente étude, publiée le 5 août 2021 dans la revue Nature Climate Change, avait en effet tiré la sonnette d’alarme en révélant que l’AMOC montrait des signes majeurs et inquiétants de ralentissement, provoqué par le réchauffement de l’eau avec le climat.

La circulation australe, aussi menacée que la circulation atlantique ?

Une nouvelle étude publiée il y a quelques jours dans la même revue (12/2022) vient ajouter un motif supplémentaire d’inquiétude. Des scientifiques de l’université de Californie à Irvine se sont penchés à la fois sur l’AMOC mais également sur une autre composante clé de la circulation globale : la « circulation méridienne de retournement australe » (acronyme SMOC) – moins bien étudiée que sa jumelle du Nord.

Selon ses auteurs, dans le pire scénario de réchauffement global, la SMOC pourrait s’interrompre totalement d’ici le 24e siècle. Plus proche de nous en termes d’horizon temporel, les deux composantes – AMOC et SMOC – risquent de ralentir de 42 % dès la fin de notre siècle, affirment les chercheurs après avoir analysé les projections climatiques issues d’une trentaine de modèles de prévision.

« Cela signifierait un désastre climatique d’ampleur similaire à la fonte de l’ensemble des calottes glaciaires terrestres« , lance l’océanographe J. Keith Moore, professeur associé à l’Université de Californie à Irvine et co-auteur de l’étude, cité dans un communiqué.

Moins de CO2 capté et stocké par l’océan

Si ce processus de ralentissement se poursuit, la capacité des océans à capter et à stocker le carbone provenant de l’atmosphère – en excès dans l’air à cause des activités humaines – pourrait s’amoindrir, alertent les chercheurs californiens.

En effet, l’interaction de l’eau de mer avec l’air entraîne la solubilisation du CO2. Le carbone dissous dans l’eau est ensuite utilisé en partie par des microorganismes marins formant le plancton, notamment pour synthétiser leur coquille. Les animaux se nourrissent des êtres vivants plus petits, et leur carcasse finit par sombrer au fond des mers, immobilisant le carbone pour plusieurs milliers d’années.

Or, « une disruption de la circulation (océanique) réduirait l’absorption de CO2 atmosphérique par l’océan, aggravant par conséquent le réchauffement climatique« , explique le Pr Moore. « Avec le temps, les nutriments qui sont à la base des écosystèmes marins se retrouveraient de plus en plus piégés en profondeur, conduisant à une chute de la productivité biologique globale. »

Quelques jours après cette publication, une autre étude avait également souligné le risque d’affaiblissement du « puits de carbone » à long terme de l’océan, mais cette fois, en raison d’un autre paramètre : l’activité biologique des microorganismes marins, notamment des bactéries. Les deux processus pourraient donc se conjuguer, faisant de l’océan une pompe à carbone d’autant moins efficace.

Toutefois, les auteurs de l’étude dans Nature Climate Change veulent garder espoir. « Notre analyse montre que réduire aujourd’hui nos émissions de gaz à effet de serre peut empêcher cet effondrement de la circulation océanique profonde dans le futur« , souligne le Pr Moore.

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©Ivan BANDURA