Après les effondrements successifs de la falaise, les autorités ont décidé de la fermeture du sentier du littoral. Une solution provisoire de repli sur la crête a été trouvée… au grand dam des habitants de la Corniche
Le 9 novembre 2021, le sentier du littoral a été rendu à la nature entre Ciboure et Hendaye. Irrévocablement. L’arrêté préfectoral signé de la main d’Éric Spitz, préfet des Pyrénées-Atlantiques, formalise le caractère définitif de la fermeture de ce serpentin de terre, coincé entre la route départementale 912 et surplombant l’océan. Chef-d’œuvre en péril, dernier site de la côte basque préservé d’une urbanisation outrancière, la corniche basque n’offre plus les gages de sécurité à ceux qui l’arpentent. Depuis, les marcheurs qui se comptent encore par dizaines chaque jour sur le site sont considérés comme contrevenants. À leurs risques et périls.
Pour justifier sa décision, le représentant de l’État s’appuie sur l’avis du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Des conclusions dont il retient que « la falaise se trouve confrontée de manière imminente à des risques de nouveaux écroulements, d’échéance et d’ampleur non prédictibles ». Impressionnant par son étendue, celui du 29 octobre 2020 aura été le coup de marteau sur le dernier clou du cercueil du chemin de randonnée, héritier du sentier des douaniers. Parce que quelques heures seulement avant l’effondrement, des centaines de badauds se massaient à quelques mètres de là pour admirer le réveil de la vague Belharra.
500 mètres supplémentaires
Alors que c’est la bande d’asphalte, qui reçoit 9 000 véhicules par jour en hiver, près de 16 000 l’été, qui inquiétait jusqu’alors prioritairement les autorités, les voici confrontées, par un plus petit dénominateur mais de plein fouet, à une réalité envisagée depuis le début des années 2000. C’est finalement dans l’urgence qu’il a fallu trouver une solution de repli.
À partir de la semaine prochaine, les randonneurs qui voudront s’attaquer à la demi-douzaine de kilomètres devront prendre de la hauteur. Un nouvel itinéraire, empruntant pour une grande part le chemin des Crêtes, a été imaginé par le Département dans le cadre de sa compétence randonnée. Ce ne sont pas les 500 mètres supplémentaires par rapport au désormais ancien sentier qui les arrêteront. En revanche, ils devront composer avec une promenade les éloignant substantiellement de l’océan, ainsi qu’un mécontentement de riverains peu enclins à voir leur tranquillité perturbée sans même avoir été consultés.
Pas un seul n’a rechigné à signer la pétition lancée à la mi-juin par l’Association de défense des habitants de la corniche. Sortant d’un long sommeil, cette dernière a subitement réactivé ses travaux pour signaler que les randonneurs ne seront pas davantage en sécurité sur une route qu’ils devront par endroits partager avec des véhicules motorisés. Sur l’exploitation familiale, Jean-Philippe Michelena s’inquiète : « Il est quand même dommage que l’on soit venu nous voir quand tout était plié. Au-delà de mes craintes personnelles pour la tranquillité des chevaux que nous prenons en pension, il faut se rendre compte de la dangerosité de ce nouvel itinéraire. En bas, le sentier du littoral est bien séparé des voitures. Ici, ce n’est pas le cas. Je ne vois pas comment cela ne pourrait pas tourner à l’accident. »
« Danger de mort »
L’agriculteur et marin, qui vit sur la Corniche depuis toujours, rappelle que le sentier du littoral n’est pas si ancien puisqu’il n’a été mis en service qu’en 2005 : « On a créé artificiellement une demande. Et nous devons aujourd’hui en assumer les conséquences. Il y a dans les études des points géographiques parfaitement identifiés comme à risque. Pourquoi ne pas les contourner au cas pas cas ? »
À la mairie d’Urrugne, commune la plus concernée géographiquement, on se gratte la tête devant cette équation à de nombreuses inconnues. Le maire, Philippe Aramendi insiste sur le caractère temporaire de la solution. Un provisoire qui repose néanmoins sur un accord passé pour cinq années, avec tacite reconduction, avec le Conseil départemental. Lequel détient la maîtrise d’ouvrage de création et de réalisation du nouveau sentier sur des parcelles exclusivement communales, et compte le labelliser auprès de la Fédération française de randonnée pédestre. Les derniers panneaux et clôtures sont actuellement posés.
Photographie: ©Émilie Drouinaud