La crise environnementale actuelle ne concerne par seulement l’augmentation des températures : l’une des conséquences majeures du dérèglement climatique concerne l’acidification des océans. Si le phénomène est bien compris par les scientifiques, les gouvernements ne sont cependant pas du tout préparés aux dommages qu’elle causera sur les écosystèmes.

Alors que le dernier rapport de synthèse du Giec alerte une fois de plus sur les conséquences du réchauffement climatique, des chercheurs se sont penchés sur un phénomène en particulier : l’acidification des océans. En cours depuis des décennies, elle est provoquée par l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Et risque bien de détruire une grande partie des écosystèmes marins, particulièrement sensibles au pH de l’eau. Et une étude récemment publiée dans Environmental Research Letters vient d’évaluer l’état de préparation des gouvernements dans le monde face à ce phénomène. La conclusion des chercheurs est plutôt pessimiste : aucun ne semble prêt aux conséquences à venir.

Toute la vie marine est menacée par l’acidification des océans

C’est le pH qui caractérise l’acidité, sans unité, qui évolue entre 0 et 14 : s’il est supérieur à 7, une solution est dite basique. À l’inverse, s’il est inférieur à 7, elle est acide. Et s’il est exactement à 7, elle est neutre. Actuellement, l’eau des océans est déjà passée d’un pH de 8,2 à 8,1 entre 1950 et 2021. Une diminution de 0,1 unité, mais qui représente une augmentation de 26 % de l’acidité, l’échelle du pH étant logarithmique. Et cette acidification découle directement des émissions de gaz à effet de serre : environ 25 % du dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère se stocke au niveau des couches supérieures des océans. Il se combine ensuite avec les molécules d’eau, et la réaction génère des ions comme le carbonate ou le bicarbonate. Le tout donnant un pH moins basique qu’initialement.

Si l’eau reste pourtant basique, ce changement a bien des impacts sur la vie marine. En effet, « divers processus biologiques fondamentaux sont sensibles à l’acidification, notamment la productivité primaire, la calcification, la décalcification, les cycles des nutriments, la reproduction, le développement et les échanges gazeux. Compte tenu de ces résultats, il n’est pas surprenant qu’un large éventail d’organismes marins soit affecté par l’arthrose, comme des bactéries, des algues, des invertébrés et des poissons », alerte l’étude. Ce sont donc de nombreuses espèces qui sont menacées, dont l’espèce humaine, indirectement.

“L’acidification des océans est l’un des tueurs silencieux du changement climatique”

« L’acidification des océans est l’un des tueurs silencieux du changement climatique », a déclaré dans un communiqué Rebecca Albright, première auteure de l’étude, conservatrice de l’Académie de zoologie des invertébrés et fondatrice du Coral Regeneration Lab (CoRL). « Bien qu’elle ne soit pas aussi médiatisée que des menaces telles que le blanchissement des coraux, l’acidification des océans entraînera une destruction généralisée des environnements marins d’ici la fin de cette décennie si nous ne prenons pas des mesures urgentes. Pour aider les décideurs politiques à identifier les actions qu’ils devraient entreprendre, mes collaborateurs et moi nous nous sommes demandé : « Que devrait faire un gouvernement pour disposer d’un plan global visant à protéger à la fois l’environnement et la société de l’acidification des océans ? » »

Les 6 aspects d’une politique efficace : les pays doivent se mettre au niveau dès maintenant

Face à ce constat, le groupe de chercheurs a établi six critères essentiels pour déterminer la préparation d’un gouvernement, puis ils ont réalisé une étude de cas avec l’Australie. Avec le plus grand récif corallien du monde près de ses côtes, le pays semble déjà bien au courant des conséquences de l’acidification sur les coraux. Pourtant, les chercheurs ont noté un manque de cohérence politique dans les mesures appliquées. En effet, aucune décision n’a été prise pour limiter les gaz à effet de serre, qui sont pourtant les principaux contributeurs de l’acidification des océans à venir. D’où leur premier critère : la protection du climat. Existe-t-il des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, principale cause de l’acidification ? Et les politiques sont-elles cohérentes avec les données scientifiques ?

« L’acidification des océans n’est pas un problème isolé, mais plutôt un problème étroitement lié à d’autres risques anthropiques – en Australie et ailleurs – tels que le réchauffement, l’élévation du niveau de la mer, la perte d’oxygène et l’eutrophisation, a précisé Ove Hoegh, co-auteure de l’étude et biologiste des coraux à l’université du Queensland. Par conséquent, toute politique conçue pour lutter contre l’acidification des océans, au niveau local ou mondial, doit tenir compte des nombreux facteurs interconnectés et de leurs impacts sur les écosystèmes et la société. »

Viennent ensuite les critères de connaissance et de recherche : le public comprend-il les menaces de l’acidification des océans, et suffisamment de fonds sont-ils investis dans la lutte contre cette conséquence du réchauffement climatique ? Puis la protection, et l’adaptation : existe-t-il des aires marines protégées, des stratégies de gestion de ces aires, d’atténuation de l’acidification et d’adaptation ? Pour le moment, aucun État ne semble remplir tous les critères.

« Une fois que les gouvernements auront auto-évalué leur état de préparation à l’acidification des océans, ils auront une meilleure idée des lacunes potentielles, a conclu Sarah Cooley, co-auteure de l’étude et directrice des sciences du climat à l’Ocean Conservancy. Les lacunes seront différentes pour chaque gouvernement – certains gouvernements pourraient avoir besoin d’augmenter la recherche fondamentale juste pour comprendre comment leurs systèmes marins réagiront à l’acidification, tandis que d’autres pourraient avoir besoin de renforcer l’adaptation pour protéger les personnes et les écosystèmes les plus susceptibles d’être affectés par l’acidification. Cet autotest aidera les gouvernements à concentrer leurs efforts futurs pour s’assurer qu’ils mettent l’accent sur les domaines les plus essentiels pour eux et qu’ils peuvent prendre les mesures nécessaires pour faire face aux principales menaces de l’acidification. »

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/vie-marine-acidification-oceans-sera-lourde-consequences-agir-21692/

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