La lutte contre la pollution marine constitue un défi écologique majeur, mais faut-il encore trouver des solutions pour revaloriser les déchets collectés sur les plages et dans les océans. L’industrie de la mode s’y attèle en offrant une nouvelle vie aux morceaux de plastique et filets de pêche qui nuisent aux écosystèmes et contribuent au dérèglement climatique. Des maillots de bain aux sneakers en passant par les lunettes, voici autant de vêtements et accessoires aujourd’hui conçus avec des déchets marins.

Quelque 170.000 milliards de morceaux de plastique flotteraient à la surface des océans. C’est ce qu’a révélé une équipe de chercheurs américains début mars. Publiés dans la revue PLOS One, leurs travaux estiment à 2,3 millions de tonnes le poids total représenté par cette pollution marine générée au cours des quinze dernières années. Un véritable désastre environnemental pour la faune et la flore qui peuplent ces grandes eaux, mais aussi une problématique de taille à prendre en compte dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Si des solutions se mettent progressivement en place, comme la mise en service de robots nettoyeurs spécialisés dans les surfaces aquatiques, elles demeurent insuffisantes à ce jour pour venir à bout des déchets marins. L’une des questions qui se posent étant la revalorisation des déchets collectés, que ce soit par des robots ou des mains humaines. Un problème que l’industrie de la mode tente de prendre à bras-le-corps via l’upcycling, qui consiste à offrir une plus-value à des objets indésirables, pour les transformer en de nouveaux vêtements. Une pratique qui contribue à nettoyer les plages et les océans sans avoir recours à de nouvelles matières polluantes.

Sensibiliser à la pollution marine

Dès 2014, Pharrell Williams, directeur artistique et ambassadeur de la marque Bionic Yarn, s’associe à G-Star pour concevoir la collection RAW For the Oceans, entièrement conçue à partir de fibres textiles créées via des bouteilles en plastique récoltées dans la mer. L’objectif est bien évidemment de contribuer au nettoyage des océans et à la revalorisation des déchets qui y sont collectés, mais il s’agit également de sensibiliser le grand public à la pollution marine. Un défi également relevé dès 2015 par la marque adidas et l’ONG environnementale Parley for the Oceans, dont la collaboration a donné naissance à des vêtements et chaussures conçus à partir d’une fibre polyester elle aussi fabriquée à partir de ces déchets. Ce partenariat sur long terme aurait déjà permis, selon la marque aux trois bandes, « d’éviter que plus de 1.400 tonnes de déchets plastiques n’atteignent les océans ». Toutefois, les fibres issues du pétrole restent les principaux matériaux utilisés par la marque.

Les podiums n’échappent pas à cette prise de conscience. En 2019, le label Schueller de Waal s’est distingué, en partenariat avec l’association PikPik Environnement, en imaginant un défilé zéro déchet. Loin du glamour habituel de la Fashion Week, les créateurs avaient proposé aux mannequins une session de ramassage de déchets en plein cœur de Paris pour présenter leur collection conçue à partir de chutes de tissus et de matériaux de récupération. Et si les modèles avaient bel et bien les pieds sur terre, l’idée était là encore d’alerter sur les milliers de tonnes de plastique émis par la mode et finissant chaque année dans les océans. Des initiatives destinées à accélérer la prise de conscience, qui ne sont pas passées inaperçues, et ont permis d’ouvrir la voie à toute l’industrie.

Des fibres nées dans les océans

Des entreprises se sont emparées de cette problématique pour relever un double défi : nettoyer les océans tout en offrant à l’industrie de la mode une matière première renouvelable et beaucoup moins polluante. C’est le cas des sociétés italienne et espagnole Aquafil et Seaqual Initiative qui ont mis au point les fibres les plus célèbres sur le marché, Econyl et Seaqual, respectivement, toutes deux conçues à partir de la transformation de déchets marins en tout genre. Nombreuses sont aujourd’hui les marques de prêt-à-porter qui ont recours à ces matières pour créer des vêtements, maillots de bain et accessoires, bien plus respectueux de l’environnement… Et qui participent, certes dans une moindre mesure, à dépolluer les mers et océans.

Les vêtements de sport Les Poulettes Fitness, les maillots de bain des marques Coco Frio et Icone Lingerie, les T-shirts et les sweats de Wastendsea, ou encore la mode éthique d’Ankore, comptent parmi les pièces de prêt-à-porter qui sont aujourd’hui entièrement ou partiellement fabriquées à partir de l’une de ces deux fibres innovantes et responsables. Une façon d’agir contre la pollution plastique des océans avec une valeur ajoutée non négligeable pour l’une des industries les plus polluantes au monde.

Plastique ou filets de pêche

D’autres acteurs de la mode œuvrent aujourd’hui en solo – ou presque. Fondée par l’entrepreneur espagnol Javier Goyeneche, la marque Ecoalf a donné naissance à une fondation du même nom dont l’objectif est de promouvoir la collecte des déchets marins. En association avec l’industrie de la pêche, elle s’attèle aujourd’hui à débarrasser la Méditerranée des filets de pêche et morceaux de plastique qui nuisent aux écosystèmes, et à les transformer en nylon et polyester recyclés, puis en vêtements et accessoires. A en croire cette entreprise engagée, cette initiative aurait déjà permis de récupérer 1.000 tonnes de déchets marins depuis 2015. Une goutte d’eau au regard des 2,3 millions de tonnes de morceaux de plastique qui flottent actuellement dans ces grandes eaux mais qui, mis bout à bout via l’ensemble de ces actions, pourraient amplement contribuer à dépolluer les océans.

Née à la fin de l’année 2020, la marque Les Alcyonides Swimwear œuvre elle aussi en ce sens, si ce n’est qu’elle lutte contre la plastification des océans via la revalorisation non pas des déchets plastiques mais des filets de pêche. Ces derniers sont collectés en mer par des plongeurs bénévoles de l’association Healthy Seas, puis sont confiés au fournisseur de la marque qui les recycle en nylon pour donner vie à des maillots de bain qui, eux-mêmes, pourront à nouveau être recyclés. L’économie circulaire dans toute sa splendeur. De son côté, Sea2See propose des lunettes et des montres fabriquées à partir de plastique marin recyclé, collecté grâce à des partenariats avec des communautés de pêcheurs en Europe et en Afrique. Au Ghana, par exemple, ce sont vingt régions de pêche qui participent au programme de la marque, permettant de collecter des milliers de kilos de déchets chaque année.

Autant d’initiatives engagées qui démontrent que l’industrie de la mode a tout intérêt à s’impliquer dans la préservation de l’environnement, et plus particulièrement des océans, enjeu écologique majeur à ne pas négliger. A travers de nouvelles collections durables et innovantes, les acteurs du textile tendent progressivement à montrer que les déchets peuvent aujourd’hui représenter une ressource d’avenir, elle aussi non négligeable.

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