Femme de conviction et d’exploits, Maud Fontenoy, se bat pour la préservation des océans. Leur survie dépend de cinq enjeux.

« Les océans ont souvent été les grands oubliés. Ils sont un peu “le géant aux pieds d’argile”, menacé, méconnu. Nous sommes allés plus souvent sur la surface de la Lune que dans la profondeur des océans. Pourquoi ne connaît-on que 5 % de la biodiversité de ces fonds marins ? La vie est née dans ces profondeurs il y a près de 4 milliards d’années et, aujourd’hui, ce sont les océans qui assurent notre survie. Ils doivent être considérés comme “un bien commun de l’humanité”. Il y a tant de défis à relever.

Nécessité d’une coordination mondiale sur la gestion et la protection des espaces maritimes

Réguler l’exploitation des océans à l’échelle internationale est un véritable enjeu. Partout dans le monde, nous avons des règles, des lois pour tout. Or 60 % de la haute mer est sans juridiction, un lieu dans lequel on peut prélever tout et n’importe quoi. Ce Far West est d’une injustice incroyable. Il y a urgence à mettre en place une gouvernance internationale. Avec One Ocean Summit, à Brest, le mois dernier, les défis océaniques ont été portés par un pays, la France. Parce que notre pays est la deuxième puissance maritime mondiale, avec 11 millions de kilomètres carrés sous sa juridiction. La France a un leadership à prendre.

Assurer la régulation de la pêche

Plus de 90 millions de tonnes de poissons sont pêchés dans les mers chaque année. La plus grande partie sera utilisée pour faire des farines. Le reste, près de 7 millions de tonnes, sera rejeté, parce qu’il s’agit de poissons ne correspondant pas aux quotas, ou qui ne sont pas à la hauteur des attentes du consommateur. Dans le même temps, 30 millions de tonnes seront pêchées de façon illicite. L’Europe pêche à peu près 4 % de ce qui est prélevé dans les océans. Et il y a la Chine à côté qui va quasiment en prendre 50 %. Il y a une urgence à réguler. Si l’on veut que les océans continuent à être ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire la marmite de l’humanité permettant à presque un tiers de la population mondiale de manger des protéines d’origine marine, il faut mettre fin aux incohérences.

Définir une véritable position internationale sur la gestion des déchets

Dix millions de tonnes de déchets sont rejetés à la mer chaque année, qui, à un moment, reviennent dans nos assiettes. On mangerait l’équivalent de 5 grammes de plastique par individu et par semaine, soit l’équivalent d’une carte bleue. Les déchets réapparaissent dans le cycle de l’air, dans celui de l’eau. Or 60 % des plus grandes villes du monde n’ont pas de station d’épuration. On attend encore de grandes décisions internationales sur ce point.

S’inspirer davantage de la mer

Vingt-deux mille médicaments contiennent des éléments venant directement de la mer. Treize prix Nobel sont en lien avec des travaux issus de la mer. Les solutions sont vraiment sous l’eau ! Je parle de ce côté médical, car c’est en observant le hareng que l’on a mis au point la trithérapie, l’AZT permettant de combattre le sida. C’est en s’inspirant de la peau du requin que l’on a créé un revêtement pour les hôpitaux afin d’empêcher l’adhérence des bactéries grâce à sa structure alvéolaire. Et grâce au cône magicien, un petit coquillage, on a développé un antidouleur mille fois plus puissant que la morphine. Il y a aussi le cœur de la baleine : cette gangue de graisse de 600 kilos a un réseau qui capte naturellement l’électricité produite par le corps et permet de créer un pacemaker sans pile.

Transmettre aux jeunes générations

La jeunesse est un des meilleurs leviers d’action. Dernièrement, dans un aéroport, j’ai entendu des bruits d’oiseaux enregistrés. Je me suis dit que le monde allait mal. Or, quand je vais dans les écoles, je sens chez les enfants un besoin de reconnexion avec la nature. Au sein de nos programmes dans les 55 000 écoles de France, on voit que les professeurs effectuent un travail merveilleux. Aujourd’hui, on relance les classes de mer en France à destination des zones d’éducation prioritaires. C’est aussi une façon d’agir. C’est indispensable. La jeunesse est une raison d’y croire. »

Paris Match / Environnement

Photographie: @Clem Onojeghuo