Le mandat de négociations couvre un très large spectre de sujets, de la production du plastique à son utilisation « durable » en passant par la gestion des déchets.

L’Organisation des Nations unies (ONU) a lancé mercredi 2 mars le processus vers un traité  » historique  » pour lutter contre la pollution plastique, dont les millions de tonnes de déchets menacent la biodiversité mondiale. L’Assemblée pour l’environnement de l’ONU (ANUE), plus haute instance internationale sur ces sujets, réunie dans la capitale kényane, Nairobi, a adopté une motion créant un « comité intergouvernemental de négociation » chargé d’élaborer un texte « juridiquement contraignant » d’ici 2024.

« Je ne vois pas d’objections, il en est ainsi décidé », a lancé le ministre norvégien de l’environnement, Espen Barth Eide, qui préside cette cinquième ANUE, devant les représentants de 175 pays réunis en présence et en visioconférence. « Aujourd’hui, nous écrivons l’histoire. Vous pouvez être fiers », a-t-il poursuivi sous les applaudissements des délégués debout, après avoir formalisé la décision d’un coup de marteau… en plastique recyclé.

De la production à la gestion des déchets

Le mandat de négociations couvre un très large spectre de sujets prenant en compte « le cycle de vie entier du plastique », de la production et de l’utilisation « durable » à la gestion des déchets, la réutilisation ou le recyclage.

Il inclut les pollutions terrestre et marine issues aussi bien des plastiques que des microplastiques, produits fabriqués à partir d’hydrocarbures fossiles et responsables, selon l’OCDE, de près de 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Les négociations devront également porter sur la fixation d’objectifs et définir des mesures qui pourront être « contraignantes » ou « volontaires » au niveau mondial. Le traité pourra aussi prévoir des plans nationaux de lutte, tout en prenant en compte les « circonstances » spécifiques des différents pays. Le mandat prévoit d’élaborer des mécanismes de contrôle ainsi que des financements pour les pays pauvres.

Le texte recommande en outre « d’encourager l’action de toutes les parties prenantes, y compris le secteur privé », dans un secteur qui pèse des milliards.

Empêcher « l’effondrement de l’écosystème »

« Vous allez faire ce pas crucial pour renverser la vague de la pollution plastique. C’est un moment historique », avait lancé avant l’adoption Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP). Il s’agit pour cette organisation de la principale avancée depuis l’accord de Paris sur le réchauffement climatique en 2015 pour faire face à la « triple crise » qui menace le monde : changement climatique, effondrement de la biodiversité et pollution.

« Nous sommes à un tournant de l’histoire, où les ambitieuses décisions prises aujourd’hui peuvent empêcher la pollution plastique de contribuer à l’effondrement de l’écosystème de notre planète », a commenté pour sa part Marco Lambertini, directeur général du Fonds mondial pour la nature (WWF). Le mandat de négociations couvre tous les chapitres voulus par les ONG environnementales. M. Lambertini a toutefois souligné que « le travail est loin d’être achevé » et que les négociations devraient déboucher sur un traité aux « normes mondiales claires et solides ».

Moins de 10 % des plastiques actuellement recyclés

L’engagement affiché de grandes multinationales, dont certaines grandes utilisatrices d’emballages comme Coca-Cola ou Unilever, pour un traité fixant des règles communes renforce l’optimisme, même si elles ne se sont pas prononcées sur des mesures précises.
Dans un communiqué, le responsable de la recherche d’Unilever, Richard Slater, a salué une décision « historique » qui sera « un catalyseur d’innovation et représente aussi ce que veulent les consommateurs : moins de plastique ».

Quelque 460 millions de tonnes de plastiques ont été produites en 2019 dans le monde, générant 353 millions de tonnes de déchets, dont moins de 10 % sont actuellement recyclées et 22 % abandonnées dans des décharges sauvages, brûlées à ciel ouvert ou rejetées dans l’environnement, selon les dernières estimations de l’OCDE. Cette pollution contribue notamment à l’effondrement de la biodiversité, relevé par tous les spécialistes, alors même que les « solutions basées sur la nature » sont considérées dans le nouveau rapport des experts sur le climat de l’ONU (GIEC), publié lundi, comme un outil important de lutte contre le changement climatique et d’atténuation de ses effets.

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Photographie: © BRIAN INGANGA / AP