Les cétacés sont, avec les siréniens (comme les dugongs par exemple), les seuls mammifères à vivre exclusivement en mer et sous la mer. Malgré le sérieux handicap de devoir respirer de l’air avec des poumons et maintenir une température interne constante, une adaptation poussée les a dotés de capacités extraordinaires. Ils sont aujourd’hui les champions peu contestés des grands espaces marins.

Les cétacés sont des mammifères marins dont l’ancêtre commun – appelé archéocète – est parti à la reconquête des océans il y a 50 millions d’années. Depuis cette origine, ce groupe s’est diversifié en 90 espèces réparties dans toutes les mers du globe et certaines rivières. Les cétacés sont séparés en deux sous-groupes : les cétacés à fanons et les cétacés à dents.

Les premiers, appelé mysticètes du grec « moustache » en référence à leur fanons suspendus à la mâchoire supérieure, rassemblent 11 espèces parmi les plus grandes comme la baleine bleu, plus grand animal de la planète, le rorqual commun résidant en Méditerranée, ou la baleine à bosse très appréciée par le tourisme baleinier. Les mysticètes se nourrissent en filtrant d’énormes quantités d’eau au travers de leurs fanons. La technique est simple, l’apprentissage rapide, les petits ne restent pas plus d’un an avec leur mère.

Les seconds, les odontocètes, sont plus nombreux et plus diverses. On y trouve le cachalot, plus grand du groupe, dont les grands mâles approchent les 20 mètres et les 50 tonnes, mais aussi l’orque, le narval, les globicéphales et les nombreuses espèces de dauphins. Ils utilisent leurs dents pour capturer leurs proies et développent des techniques de chasse qui peuvent être collectives et sophistiquées. L’apprentissage est plus long et plusieurs générations de jeunes peuvent rester avec leurs mères avant de quitter le groupe.

MENACES MULTIPLES ET EFFETS CUMULATIFS…

Plus d’un siècle après l’apogée de la chasse baleinière qui a décimé les océans, la plupart des populations de cétacés peine à se restaurer. Elles subissent les impacts cumulés de bon nombre des activités humaines.

Dérèglement climatique

Les grands cétacés tirent leur ressource essentielle des grandes concentrations de krill sous les hautes latitudes nord et sud. Elles y sont suffisantes pour justifier d’y investir plusieurs milliers de kilomètres de migration chaque année. Mais avec le réchauffement climatique tous ces repères séculaires se brouillent. Les zones riches proches des banquises se déplacent et se dispersent, la productivité chute, d’autres espèces remplaceront peut-être les proies favorites des baleines. Sauront-elles s’adapter ? Nul ne le sait.

Trafic maritime

L’essentiel de notre économie repose sur le trafic maritime qui croît au rythme soutenu de 3 à 4% par an, soit un doublement tous les 20 ans environ. Dans le sanctuaire Pelagos – triangle de 87500 km² entre l’Italie, Monaco et la France, nous avons calculé que les navires y parcourent chaque année 18,5 millions de kilomètres, soit 450 fois le tour de la Terre. Tous ces navires, dont certains naviguent à grande vitesse, deviennent difficiles à éviter par les grands cétacés. 20 à 47 rorquals communs périraient ainsi chaque année à la suite d’une collision avec un navire. Cette situation se reproduit dans de nombreux endroits autour du monde où se superpose navigation intense et concentration de cétacés. Le trafic maritime contribue également à accroître le bruit de fond qui envahit inexorablement nos océans et perturbent ce sens primordial qu’est l’ouïe chez les cétacés.

Pollutions

Notre industrie chimique, créative et prolifique, a généré des générations de contaminants qui ont envahi progressivement la biosphère terrestre et marine. Via les rivières, via les courants et même par les airs et l’atmosphère, ces polluants ont intégré toute la chaîne alimentaire du plus petit au plus gros. A chaque échelon de qui mange qui, la dose grandit, et s’accumule au fil du temps, piégée dans les tissus adipeux des organes des animaux. Ainsi les PCBs et les dérivés du DTT, produits interdits depuis des décennies, sont encore présent dans le gras des cétacés, affectant leur capacité de résistance aux maladies ou leur fertilité.

Contamination plastique

Les plastiques, qui ont envahi nos océans en milliards de particules ou en déchets de plus grande taille, ont non seulement un impact mécanique sur les animaux qui les ingèrent ou qui s’y emmêlent, mais aussi un impact chimique car leurs composés (comme les phtalates) se dissolvent dans le milieu naturel et intègrent également la chaîne alimentaire.

Chasse

La chasse est un facteur de mortalité qui reste important pour les cétacés. En effet, malgré un moratoire et une interdiction du commerce international des produits baleiniers, chaque année, près de 1 000 baleines sont tuées à des fins commerciales. En 1961, date de création du WWF, 66 000 baleines sont tuées. Face à ce massacre, nous appelons à la création d’un sanctuaire baleiniers et l’adoption d’un moratoire sur la chasse baleinière commerciale. En 1979, le premier sanctuaire baleinier qui couvre l’océan indien voit le jour et en 1986, un moratoire suspendant toute chasse commerciale est mis en œuvre.

Malgré cette mesure, trois pays continuent à chasser les baleines à des fins commerciales (la Norvège, le Japon et l’Islande). En tant que membre de la Commission Baleinière Internationale (CBI), le WWF continue donc de faire pression pour que le moratoire soit appliqué plus fermement.

QUE FAIT LE WWF POUR LES CÉTACÉS ?

Le travail de conservation des cétacés mené par le WWF s’effectue sur le terrain d’une part, et dans le cadre de la commission baleinière internationale, l’organisation qui peut imposer de nouvelles mesures afin de protéger baleines et dauphins de menaces comme les collisions avec les navires, les prises accessoires, les pêches scientifiques ou encore le changement climatique.

Présent aux quatre coins du monde, le WWF mène des actions diversifiées pour sauvegarder les différentes espèces de cétacés.

Afin de prévenir les collisions ou les pêches accessoires nous participons activement à la création de sanctuaires et d’Aires Marines Protégées (AMP) comme en Méditerranée (Sanctuaire Pelagos) ou au Chili, par exemple, où 120 000 hectares de réserve ont été créés. Par ailleurs, nous aidons à la conduite de bateaux dans la baie de Fundy, au Canada, pour diminuer le risque de collision.

Le WWF incite, de surcroît, les pays à proscrire quelques techniques de pêche dans des zones maritimes où certaines espèces sont menacées. Une zone de ce type a notamment été mise en place en Nouvelle Zélande afin de protéger les dauphins Hector. En France, le WWF agit dans le sanctuaire Pelagos, en Méditerranée, où nous étudions les cétacés depuis plus de 20 ans pour mieux les protéger.

Depuis 2018 et pour encore quelques années, nous concentrons nos efforts pour réduire voire éliminer la mortalité des grands cétacés par collision avec les navires. En décembre 2022, la création d’une Zone Maritime Particulièrement Vulnérable par l’Organisations Maritime Internationale est un succès et une étape importante qui va permettre d’imposer des mesures au trafic maritime. Nous poursuivons également  le développement d’un système anticollision basé sur la localisation en temps réel des cétacés par acoustique passive avec la société Quiet-Océans. Ce système pourra être installé au sein de la ZMPV sur les principales zones de risque pour permettre aux navires d’éviter les cétacés. La charge de l’esquive sera ainsi inversée et reviendra aux derniers arrivés : nous les humains !

https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/cetaces

© Andre ESTEVEZ