Selon l’ONG Ocean Conservancy : «Depuis le début de l’industrialisation jusqu’à aujourd’hui, l’océan a absorbé plus de 90% de la chaleur due au réchauffement climatique d’origine humaine et environ un tiers de nos émissions de carbone. Mais nous constatons aujourd’hui les effets dévastateurs de cette chaleur et de ce dioxyde de carbone.» Cela met en lumière de grandes questions sur l’état général des écosystèmes de la planète. Les océans, de loin les plus vastes, couvrent plus de 70% de la planète. Comme on peut le voir depuis l’espace, les océans constituent l’essentiel même de la planète. En effet, tous les écosystèmes de la planète sont presque poussés à leurs limites et montrent des signes alarmants de détérioration. C’est un fait avéré. Ce n’est pas difficile à prouver. Les preuves sont convaincantes et directes.
Pourtant, ces preuves apparaissent d’abord là où personne ne vit, dans les régions les moins peuplées de la planète comme l’Arctique, la Sibérie, la Patagonie, l’Antarctique, les forêts tropicales, les glaciers de montagne, le Groenland et, bien sûr, les océans. Les grandes villes du monde sont les dernières à connaître la disparition de la faune et de la flore et à assister à la détérioration des écosystèmes favorables à la vie. Cependant, il est intéressant de souligner que les habitants des zones rurales du monde entier constatent des changements radicaux dans les écosystèmes et envoient des messages ou des courriels sur la perte dévastatrice, presque incroyable, d’insectes et d’animaux sauvages. Leurs messages personnels disent «c’est différent maintenant, il manque quelque chose». Chaque matin, ils «regardent» un vide ou une absence les regarde, en face. L’année 2021 est la sixième année consécutive d’augmentation de la température des océans. C’est la plus chaude de l’histoire et une menace pour la vie marine. En fait, elle a déjà un impact sur la vie marine, car un nombre croissant d’oiseaux, de baleines et de poissons émaciés s’échouent sur le rivage. Qui prendra conscience de cette tragédie et fera quelque chose qui aura un impact international suffisant pour faire la différence? Cette question importante est en quête de réponses. Une équipe de journalistes du Los Angeles Times s’est rendue dans le Grand Nord tout récemment. Voici ce qu’ils ont rapporté: «Des forces profondes et alarmantes sont en train de remodeler les parties supérieures des océans Pacifique Nord et de l’Arctique, brisant la chaîne alimentaire qui fait vivre des milliards de créatures et l’une des zones de pêche les plus importantes du monde.» Les gens n’apprécient pas trop les articles comme celui-ci ou comme celui du Los Angeles Times cité en référence, ou tout autre article qui traite de la perte de la vie sauvage, de la perte de l’habitat et de la perte des écosystèmes. Leurs traits catastrophiques sont trop forts pour être gérés à titre personnel. Néanmoins, si la réalité n’est pas reconnue pour ce qu’elle est vraiment, alors personne ne s’efforcera jamais de changer les choses pour le mieux. Depuis quelque temps déjà, les scientifiques battent le rappel sur les risques de disparition de la vie océanique. Aujourd’hui, leurs avertissements sont confirmés par les données recueillies. Hélas, les avertissements des scientifiques n’ont pas empêché les ravages causés par les émissions de CO2, la chaleur, le plastique, la pollution, le ruissellement agricole, la surpêche ou les déchets.
Il est important d’envisager la possibilité que l’empreinte humaine modifie la vie océanique au point de mettre en péril non seulement les pêcheries du monde entier, mais aussi toute vie marine. En fait, au rythme actuel, les scientifiques pensent que la vie océanique aura disparu au milieu du siècle. On peut déjà le constater sous nos yeux. Un article du Natural History Museum de Londres affirme: «La nature s’étire jusqu’à un point de rupture. Si nous ne nous arrêtons pas, l’océan pourrait être radicalement modifié de notre vivant.» Il y a un an, Alliance of World Scientists, forte de 13’700 membres, a publié un rapport incisif, sans mâcher ses mots: «Les scientifiques estiment désormais qu’un changement climatique catastrophique pourrait rendre inhabitable une partie importante de la Terre.» De fait, c’est déjà en train de se produire. Selon Janet Duffy-Anderson – spécialiste des sciences de la mer, interrogée par l’équipe du Los Angeles Times, et responsable des études de la mer de Béring pour le Centre scientifique des pêches d’Alaska de la National Oceanic and Atmospheric Administration – «l’effet d’entraînement [effet ricochet] de ce qui se passe dans le Grand Nord pourrait entraîner la fermeture des pêcheries et laisser les animaux migrateurs sans possibilité de se nourrir. Un fait déjà omniprésent. Pour la troisième année consécutive, des baleines grises ont été retrouvées en très mauvais état ou mortes en grand nombre le long de la côte ouest du Mexique, des Etats-Unis et du Canada.» Depuis 2019, des centaines de baleines grises sont mortes le long du littoral pacifique de l’Amérique du Nord. Beaucoup de ces baleines semblaient maigres ou sous-alimentées. Bien que protégée par la loi sur la protection des mammifères marins, la baleine grise figure sur la liste rouge des espèces menacées établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Des baleines affamées au sommet de la chaîne alimentaire ne peuvent qu’indiquer que l’océan est malade. La chaleur excessive, la surpêche et les filets de pêche abandonnés, rejetés (4’600’000 navires de pêche commerciale rôdent légalement ou illégalement dans les mers – voir le documentaire de Netflix: Seaspiracy) et trop de CO2 combiné à la pollution causent une multitude de problèmes mortels pour la vie marine. On estime qu’un milliard de créatures marines sont mortes au large des côtes de Vancouver, suite à la chaleur extrême qui a frappé le Pacifique.
Des études récentes sur le «débordement» de l’océan Pacifique vers l’Arctique entre 1990 et 2019 ont révélé un réchauffement important de la température moyenne annuelle, de l’ordre de 2 à 4°C. On estime qu’une augmentation de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle pour l’ensemble de la planète est fatale à la vie terrestre. De plus, selon les scientifiques interrogés par l’équipe du Los Angeles Times: «Les données issues d’un mouillage dans la mer de Béring montrent que la température moyenne dans toute la colonne d’eau a nettement augmenté au cours des dernières années: en 2018, la température de l’eau était de 9F (degrés Fahrenheit) degrés au-dessus de la moyenne historique.» Il n’est pas surprenant que les gens ne veuillent pas accepter les faits sur la façon dont les choses vont vraiment mal, mais il ne devient que trop évident que pour maintenir la vie sur la planète, l’économie mondiale doit se stabiliser avec une réduction massive des gaz à effet de serre, accompagnée d’une activité économique mise en pause. Il n’est pas difficile de faire valoir ce point de vue: les preuves étant nombreuses et facilement accessibles. Changer, atténuer, voire modérer la tendance à la croissance économique massive du monde est un problème aussi important que celui qu’il crée pour les écosystèmes de la planète en raison de l’incurie de la machine à croissance. La croissance économique et l’état de la planète fonctionnent de manière inverse, et bien sûr la planète est perdante. Comment cela se fait-il? La réponse: selon le Global Human Footprint Network (14’000 points de données), l’humanité utilise 1,75 fois la Terre tout en «ne parvenant pas à en gérer les ressources». C’est une formule persistante pour désastre.
Ce qui s’est déjà produit est difficile à accepter: «Les mers d’aujourd’hui ne contiennent que 10% des marlins, thons, requins et autres grands prédateurs que l’on trouvait dans les années 1950.» Oui, il ne reste que 10% et cela en seulement 70 ans. Et que se passera-t-il les 70 prochaines années?
A l’encontre/ecologie / Robert Hunziker
Photographie: Ocean Conservancy