C’est important de l’ajouter avant le week-end pour gagner en visibilité et que les personnes puisent s’inscrire, je n’ai pas accès donc je vous laisse la main dessus !

  • Eric Clua vétérinaire et docteur en biologie marine

Si la perte d’espèces de requins est une catastrophe, elle ne s’arrête pas là. Les requins ont des rôles cruciaux dans leurs milieux. Des coraux aux herbiers marins, de la santé des populations de proies de jusqu’au climat, ils sont vitaux dans les océans. En assainissant les populations de proies, ces dents de la mer ont des fonctions très subtiles et extrêmement variées. Ils ont même un rôle positif dans la captation du CO2 et la limitation du réchauffement.

Rappel des lois du Vivant

Comme le racontait la saison 1 sur le loup de cette même collection “Mécaniques du Vivant”, plusieurs lois régissent les principes du Vivant :

  • Plus il y a de diversité, plus un milieu est solide en cas de catastrophe. On dit qu’il est “résilient”.
  • Ce sont les ressources qui limitent les populations. Si une ressource manque, les consommateurs de cette ressource disparaissent.
  • Tout est interconnecté.

Le rôle des requins filtreurs

Le requin baleine est de loin le plus gros poisson du monde, allant jusqu’à 20 mètres pour plus de 30 tonnes. Ce colosse est un filtreur omnivore qui mange du plancton et de tout petits poissons. Il n’existe en réalité que trois espèces de requins filtreurs : après le requin baleine, le deuxième filtreur est le requin grande-gueule, découvert seulement en 1976 (dans un filet de pêche…). Le dernier filtreur célèbre, c’est le requin pèlerin, le deuxième plus grand du monde après le requin baleine. Ce géant qu’on trouve sur les côtes françaises et britanniques peut atteindre et dépasser 12 mètres.

Tous ces filtreurs sont, un peu comme les baleines, des “vers de terre des océans”. Leurs déjections favorisent des blooms planctoniques, c’est-à-dire que leurs nutriments sont captés par le phytoplancton, les petites algues qui sont LE démarrage des chaînes alimentaires océaniques.

Le rôle des grands requins dans les chaînes alimentaires

Les requins prédateurs se situent tout en haut des chaînes alimentaires, en général plus longues et plus complexes dans les océans que sur terre. Il y a jusqu’à 9 à 10 maillons. Sur terre, il y en a moitié moins.

Au commencement de la chaîne alimentaire marine, il y a la diatomée, une petite algue, puis le rotifère, un tout petit animal qui la mange, pour être ensuite lui-même mangé par un copépode, une toute petite crevette qu’on surnomme le “pain de la mer”. Ces petits copépodes sont partout et sont mangés à leur tour par du krill par exemple, de plus grosses crevettes. Ce krill est lui-même ingéré par des sardines, qui sont ensuite avalées par des maquereaux qui eux-mêmes sont dévorés par de petits thons eux même dégustés par des requins moyens, grignotés par de plus gros requins, eux même mangés par des orques. Si vous comptez ça fait 10 niveaux, trois fois plus que “herbe gazelle lion”.

Leur action sur le climat : garants du carbone bleu

Les requins sont les garants d’un écosystème sain et fonctionnel : c’est entre autres grâce à eux que la pompe à carbone bleu peut fonctionner dans les océans. Les petits poissons comme les sardines sont mangés par des moyens puis par des plus gros et en fin de chaîne, si les plus gros prédateurs – comme les requins – ne sont pas pêchés, leurs cadavres retombent dans les abysses, plein de carbone. Sur terre, les cadavres libèrent leur carbone dans l’atmosphère après leur mort, mais dans l’océan, les cadavres des grands poissons marins coulent. Le carbone qui compose leur corps est séquestré dans les profondeurs de l’océan, grâce à la pression de l’eau.

Une étude de 2007 menée en Australie montre que la présence des requins tigres favorise la dispersion des populations de brouteurs herbivores (des tortues marines et des dugongs notamment). Concrètement, la présence des requins empêche que les brouteurs se bâfrent à outrance jusqu’à épuiser certaines zones. Or ces herbiers sont aussi des puits de carbone. Ces plantes, les fameuses posidonies emmagasinent du carbone comme le font les arbres sur terre. Le maintien de populations de requins en bonne santé favorise donc la captation du carbone, dont celui du CO2 responsable du réchauffement.

Des régulateurs d’espèces

Les requins, qu’ils mangent des proies ou les dispersent par leur simple présence, ont un rôle-clé dans l’océan. Des enquêtes sur la pêche à la palangre dans le Pacifique tropical ont montré que les taux de capture de 12 grands prédateurs pélagiques (thons, espadon, marlin, et requins) ont été divisés par 10 entre 1950 et 2000. Dans le même temps, les captures de raies et d’autres mésoconsommateurs de petite taille ont été multipliés par 10 ou 100, ce qui aboutit à des déséquilibres dans les milieux.

Les requins régulent directement les populations de mésoprédateurs, de prédateurs intermédiaires et donc indirectement les populations des autres maillons de la chaîne alimentaire. Si les gros sont éliminés, les moyens prolifèrent et exterminent les petits, ce qui peut faire disparaître les moyens à leur tour où les faire migrer ailleurs pour continuer le pillage, le ratiboisage…

Les requins ne font pas que réguler ou disperser les populations de proies, ils sont aussi d’une certaine manière les médicaments des océans. En éliminant les faibles et les malades, ils participent au maintien de populations de proies saines. Le fait de s’attaquer aux individus les plus faibles renforce également le patrimoine génétique de leurs proies. Les individus forts et en bonne santé donneront naissance à des populations plus saines.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/mecaniques-du-vivant/pourquoi-les-requins-sont-ils-essentiels-aux-oceans-8458221

©Elianne DIPP