Parmi les endroits clé pour le climat, on trouve l’océan Austral, en Antarctique. Plusieurs mécanismes font de lui un puits de carbone immense, essentiel à l’humanité et à ses émissions de gaz à effet de serre bien trop élevées. Des chercheurs se sont penchés sur les organismes qui permettent cette absorption du CO2, les phytoplanctons.
Alors que le Giec alerte sur l’urgence climatique, des chercheurs se sont penchés sur des puits de carbone, primordiaux pour absorber une grande partie du dioxyde de carbone. On peut citer les prairies, forêts, ou tourbières qu’il faudrait restaurer… Mais c’est sur les océans que l’équipe de l’Université d’Hawaii s’est concentrée. Leur publication dans Pnas explique qu’ils absorbent près de 30 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre.
Parmi eux, il en est un qui joue un rôle primordial : l’océan Austral. Aussi appelé océan Antarctique, il est le plus jeune des océans de la Terre, formé seulement il y a 30 millions d’années lors de la séparation de l’Antarctique et de l’Amérique du Sud. Comme son nom l’indique, il entoure l’Antarctique, s’étale sur environ 20 millions de km² et atteint une profondeur maximale de plus de 7 400 mètres. Il est responsable à lui tout seul de 40 % de l’absorption du CO2 par les océans, en partie grâce au phytoplancton, mais pas seulement.
Différents types de carbone créés par les phytoplanctons
Plusieurs équipes ont déjà tenté de percer ses secrets, comme en témoigne un article précédent de Futura (lire ci-dessous), par des mesures en surface, des observations satellites et des modèles atmosphériques. Ils en ont conclu que l’océan Austral absorbe près de 2 milliards de tonnes de CO2 par an, avec un pic en été dû à la prolifération de phytoplanctons. Mais d’autres mécanismes sont en jeu qui contribuent à ce qu’on appelle la pompe biologique.
Le terme « pompe biologique » désigne différents processus biologiques menant à la plongée du carbone produit biologiquement dans les profondeurs des océans. Donc à son stockage longue durée. De nombreuses réactions et rétroactions rentrent en jeu, que les chercheurs ont tenté de décrypter. « Notre étude applique une méthode récemment développée pour estimer la production et l’exportation de réservoirs de carbone biogénique distincts de manière rentable et à l’échelle des bassins océaniques pour surveiller le fonctionnement des écosystèmes marins et leur réponse au futur changement climatique », a déclaré Yibin Huang dans un communiqué, premier auteur de l’étude.
Pour ça, ils ont examiné 10 ans de données recueillies par plus de 60 flotteurs dans tout l’océan Austral, afin d’estimer les variations en quantité de trois types de carbone produits biologiquement : « Le carbone organique particulaire (POC), le carbone organique dissous (DOC) et le carbone inorganique particulaire (PIC) ». Ils ont mesuré un gradient latitudinal : « Une production accrue de POC dans les secteurs subantarctique et polaire de l’Antarctique, et une production accrue de DOC dans les secteurs subtropicaux et dominés par la glace de mer », décrit la publication, tandis que le PIC culmine dans la zone intermédiaire.
Un transport de nutriments jusqu’à l’équateur
Au total, estiment les chercheurs, la production de carbone organique capture environ 3 milliards de tonnes de CO2 par an, tandis que la production de carbone inorganique dissous qui retourne dans l’atmosphère diminue cette absorption 270 millions de tonnes. Le tout dépendant des saisons. En hiver, la croissance du phytoplancton ralentit, donc l’absorption avec. C’est l’inverse en été. Et le transport intervient aussi en grande partie dans le cycle du carbone marin : les nutriments qui ne sont pas utilisés par les planctons dans la partie polaire de l’océan Austral se retrouvent ramenés à la surface puis transportés par une circulation océanique vers l’équateur, contribuant ensuite à la production de carbone biologique.
D’autres observations devraient suivre celles de l’équipe, et permettre de modéliser le phénomène de pompe biologique. « L’élargissement des observations persistantes tout au long de l’année à partir de flotteurs de profilage biogéochimiques constituerait un moyen rentable de surveiller la pompe biologique dans tout l’océan Austral et dans le monde », a conclu Andrea J. Fassbender, coauteure de l’étude.
©Itzel Graleon